Cour de cassation, chambre commerciale 29 novembre 2011 n° 10-26759

Le fait que l’agent commercial rompe le contrat qui le lie au mandant car il a atteint l’âge de la retraite n’est pas suffisant pour qu’il ait droit à une indemnité de rupture. Il faut, en effet, que sa situation personnelle présente des circonstances particulières qui ne lui permettent plus de poursuivre raisonnablement son activité.

La cour de cassation a donc confirmé sa jurisprudence.

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Désormais, avec l’application de la loi relative à la simplification du droit, le bail commercial cesse par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance, sauf cas de tacite prolongation.

La loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives du 22 mars 2012 a de nombreuses répercussions pour les entreprises, tant dans leur gestion quotidienne, que sur la plan social ou des affaires.

C’est le cas, notamment, en ce qui concerne le congé pour le bail commercial, pour lequel plusieurs modifications ont été instaurées, visant à clarifier la date à laquelle le congé doit être donné.

Ainsi, l’article L145-9 du code de commerce traitant de la fin du bail a été modifié par la loi du 22 mars 2012. Il prévoit désormais que « les baux de locaux ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil ».

Auparavant, le congé devait être donné six mois à l’avance et « pour le dernier jour du trimestre civil ». Désormais, cette règle n’est donc valable que pour le congé intervenant en cas de tacite prolongation du bail, c’est-à-dire quand il est arrivé à terme mais qu’il n’est pas renouvelé.

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Chambre sociale, Cour de cassation, 25 janvier 2012, pourvoi n° 10-11.590

Il n’est pas permis de minorer l’indemnité de non-concurrence en cas de licenciement pour faute (cass.soc. 8 avril 2010 n° 08-43.056). La Cour de cassation vient de préciser que la règle était identique lorsque la salarié démissionne.

Plus globalement, le principe à respecter est le suivant : il ne faut pas dissocier les conditions d’ouverture de l’obligation de non-concurrence de celles de son indemnisation.

Cela signifie que dès lors que le salarié est soumis à l’obligation de non-concurrence, il faut lui verser l’indemnité, dont le montant doit être identique quelle que soit la cause de la rupture du contrat de travail : licenciement pour faute ou non, démission, départ négocié, rupture conventionnelle, prise d’acte … Il n’est donc pas possible de prévoir dans le contrat de travail une indemnité de non-concurrence dont le montant varie en fonction des circonstances de la rupture du contrat.

L’employeur qui verserait une indemnité minorée, à la suite, par exemple, de la démission du salarié, risque d’être condamné aux prud’hommes à verser la totalité de l’indemnité. La stipulation du contrat de travail minorant la contrepartie financière est alors dite « réputée non écrite ».

En revanche, le salarié ne peut pas obtenir l’annulation de la clause de non-concurrence. Autrement dit, même si le contrat prévoit une indemnité moindre, il reste soumis à l’obligation de non-concurrence et ne peut que réclamer un « rappel » d’indemnisation aux prud’hommes.

A noter que dans l’hypothèse où la convention collective prévoirait une indemnisation minorée dans certains cas de rupture, ces dispositions conventionnelles ne devraient pas être appliquées.

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Cour de Cassation, Chambre sociale 29 novembre 2011, pourvoi n° 10-30.728

Un salarié est victime d’un accident du travail le 5 mai 2000. Trois semaines plus tard, le contrat de travail de l’intéressé est transféré à un nouveau prestataire.

En 2002, le salarié, déclaré inapte à tout poste dans la nouvelle entreprise à l’issue de deux examens médicaux, est licencié pour inaptitude. Contestant son licenciement, il saisit la juridiction prud’homale et la cour d’appel condamne le  nouvel employeur à payer diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans son pourvoi, le nouvel employeur fait valoir que les dispositions de l’article L122-24-4 (devenu L1226-2 à L1226-4) du code du travail, imposant à l’employeur d’un salarié devenu physiquement inapte à son emploi une obligation de reclassement, ne s’appliquent qu’aux salariés dont l’inaptitude a pour origine un accident ou une maladie d’origine non professionnelle, ce qui n’est pas le cas en l’espère.

Mais la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond, en considérant que, si effectivement « il résulte de l’article L1226-6 du code du travail que les dispositions spécifiques relatives à la législation professionnelle ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et son salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle survenu ou contractée au service d’un autre employeur, le nouvel employeur est néanmoins tenu, conformément aux articles L1226-2 et L1226-4 du code du travail, de chercher à reclasser, avant toute rupture du contrat de travail, le salarié dont l’inaptitude est médicalement constatée alors qu’il est à son service ».

La victime d’un accident du travail dont le contrat est transféré à la suite de la reprise d’un marché ne peut pas invoquer le statut protecteur des accidentés du travail chez le nouvel employeur. En effet, la jurisprudence considère que l’accident du travail qui s’est produit avant la perte du marché doit être considéré comme étant survenu chez un employeur distinct du « repreneur », ce ui revient à écarter l’application du statut protecteur des accidentés du travail chez le nouvel employeur (Cass.soc. 14 mars 2007 pourvoi n° 05-43.184).

Néanmoins, lorsque la victime de l’accident du travail est déclarée inapte, elle doit être reclassée par celui-ci. En effet, le nouvel employeur est tenu de chercher à reclasser, avant toute rupture de contrat, le salarié dont l’inaptitude est constatée alors qu’il est à son service, même si l’inaptitude résulte d’un accident du travail survenu au service de l’ancien employeur. C’est la déclaration d’inaptitude qui « enclenche » pour l’employeur, l’obligation de reclassement. Peu importe que l’accident soit ou non professionnel ou qu’il ait eu lieu lorsque le salarié travaillait chez l’ancien employeur.

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Fév

13

2012

Tenue vestimentaire du salarié

La tenue vestimentaire constitue une liberté individuelle et l’employeur ne peut, en principe, intervenir dans ce domaine.

Cependant, l’article L1121-1 du code du travail autorise indirectement l’employeur à imposer à un salarié des contraintes vestimentaires si elles sont « justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché ». Les justifications peuvent être de tout ordre, l’hygiène, la sécurité, la décence, la neutralité religieuse dans le secteur public ou parapublic, ou plus simplement le souci de l’image de marque de l’entreprise, lorsque notamment le salarié est en contact direct avec la clientèle.

L’hôtellerie-restauration fait partie des professions pour lesquelles les tribunaux admettent les exigences patronales compte tenu du standing de l’établissement. Ainsi, la cour de Paris a-t-elle approuvé un employeur qui ne tolérait pas chez les serveurs le port d’une queue de cheval dans son restaurant. Mais c’était il y a vingt-quatre ans (CA Paris 7 janvier 1988). Désormais, les juges s’attendent certainement à plus d’ouverture d’esprit de la part de l’employeur.

Mais ce n’est pas pour cela qu’ils ont condamné récemment un patron qui avait licencié un chef de rang au motif que celui-ci s’obstinait à porter une boucle d’oreille. C’est la lettre de licenciement qui a entraîné la condamnation. Elle était ainsi formulée : « votre statut au service de la clientèle ne nous permettait pas de tolérer le port de boucles d’oreilles sur l’homme que vous êtes ». Une phrase plus neutre sur l’image du restaurant serait peut-être passée mais celle-là était teintée d’un soupçon d’homophobie.

Le licenciement a donc été annulé (Cass. soc. 6 janvier 2012).

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Jan

30

2012

La cause des soins palliatifs

La loi du 9 juin 1999 vise à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs et en donne la définition suivante: il s’agit de « soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, apaiser la souffrance psychique, sauvegarder la dignité de la personne malade et soutenir son entourage ».

Les soins palliatifs ou soins de fin de vie sont apparus face à la demande croissante d’euthanasie ou d’assistance au suicide légalisée comme dans certains pays, en donnant un nouvel espoir pour les patients et leurs proches, et sont venus clarifiés une situation ambiguë pour les professionnels de santé.

Les soins palliatifs sont en effet un enjeu de santé publique et un enjeu éthique.

Les patients faisant l’objet de soins palliatifs ont des droits spécifiques tels que le droit au traitement de la douleur ou le droit à laisser mourir (le malade peut s’opposer à toute investigation ou thérapeutique).

L’acharnement thérapeutique est proscrit depuis la loi du 22 avril 2005. Ainsi, « les actes de prévention, d’investigation et de soins ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris ». Le rôle du personnel de santé est de soigner ou, à tout le mons, d’apporter aide et assistance au patient incurable.

Or confronté à un patient, atteint d’une maladie incurable, qui demande sans ambages au soignant de mourir, quelles sont les obligations éthiques et juridiques de celui-ci? En accédant à la demande de son patient, souhaitant clairement en finir, le médecin s’expose à des sanctions pénales. Le médecin doit accompagner le patient et l’assister moralement et doit tout mettre en oeuvre pour soulager la douleur du patient.

Mais la loi du 22 avril 2005 ne dépénalise pas l’euthanasie. En effet, même si le malade le demande, l’administration délibérée de substances létales dans l’intention de provoquer la mort est juridiquement qualifiée de meurtre ou d’assassinat, si l’administration desdites substances a fait l’objet de préméditation; et pourra être sanctionnée pénalement.

L’assistance au suicide est également une pratique sanctionnée en France, contrairement à d’autres pays européens.

En revanche, cette loi a apporté une protection juridique aux médecins confrontés à une demande d’arrêt de traitement du patient incurable. Lorsqu’un patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable décide de limiter ou d’arrêter un traitement curatif agressif, le médecin doit respecter sa volonté après l’avoir bien entendu informé des conséquences exactes de sa décision.

Cependant, le médecin ne peut hâter intentionnellement le processus naturel de la mort. Il peut simplement épargner les souffrances d’une affection terminale par l’abstention de soins avec l’accord du patient ou de ses proches. Si le patient en fin de vie est inconscient, toute décision d’arrêt ou de limitation des traitements implique une concertation collégiale de l’équipe médicale soignant le patient et la consultation de la personne de confiance désignée par les directives anticipées que le patient a pu rédiger moins de trois ans avant son état d’inconscience.

Dans le cadre des soins palliatifs, les malades se sentent accompagnés et pris en charge, ce qui rend très rare la demande d’euthanasie. Le développement des soins palliatifs est donc nécessaire pour protéger aussi bien les patients que les médecins.

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Jan

26

2012

La preuve déloyale en droit social

Chambre Sociale de la Cour de cassation, 10 janvier 2012

De prime abord, l’arrêt du 10 janvier 2012 peut paraître surprenant. La Cour de cassation y censure les juges pour avoir considéré que les enregistrements réalisés au moyen d’un système de vidéosurveillance installé par un client de l’employeur constituent une preuve licite des heures d’arrivée et de départ des salariés.

En effet, même si, par principe, l’employeur a une obligation de transparence qui lui impose d’informer ses salariés de la mise en place d’un dispositif visant à contrôler les activités, notamment par voie d’enregistrement, on sait que la jurisprudence admet deux tempéraments à cette obligation.

D’abord l’employeur peut produire en justice des enregistrements réalisés à l’insu du salarié lorsque ce n’est pas lui qui a mis en place le procédé au moyen duquel ces enregistrements ont été réalisés. Tel est le cas, par exemple, des relevés de communications téléphoniques fournis par un opérateur téléphonique. Sont également considérés comme loyaux, les éléments de preuve recueillis de manière incidente au moyen de dispositifs dont la finalité n’est pas le contrôle des salariés. Il en va ainsi, par exemple, des systèmes de vidéosurveillance mis en place pour contrôler un entrepôt dans lequel le salarié ne travaillent pas.

En l’espèce, l’employeur obtient le droit de visionner les enregistrements des caméras de vidéosurveillance placées à l’entrée de la société cliente où ses employés effectuent leur mission de nettoyage. Il peut ainsi établir un relevé des heures d’arrivée et de départ de ses salariés. Le procédé ayant permis la collecte de ces informations n’ayant pas été mis en place par l’employeur, on aurait pu penser, comme la cour d’appel, que « les enregistrements litigieux constituent un moyen de preuve licite ». D’autant que la vidéosurveillance n’avait pas pour but ici de contrôler le travail des salariés mais de surveiller les portes d’accès aux locaux pour renforcer la sécurité.

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui considère que dès lors que le système de vidéosurveillance permet « le contrôle de l’activité » des salariés, ces derniers doivent être informés de son existence. A défaut, les éléments de preuve recueillis au moyen de ce système sont déloyaux.

Au vu de cet arrêt, ce qui paraît déterminant pour délimiter le champ d’application de l’obligation de transparence de l’employeur est avant tout la finalité du procédé de contrôle, même lorsque ce dernier n’a pas été mis en place directement par l’employeur. L’installation d’une surveillance vidéo des portes d’accès de locaux au sein desquels les salariés travaillent a nécessairement pour finalité le contrôle des entrées et sorties. Ainsi, même si ces derniers ne sont pas les seuls visés par  ce dispositif, il en résulté pour les salariés un contrôle de leur activité dont ils doivent être informés. A défaut de quoi, les éléments de preuve recueillis ne peuvent être produits en justice.

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Jan

18

2012

Indemnités records pour un accidenté de la route

Un cadre supérieur handicapé a obtenu 7 646 918 euros de réparations, intégrant les salaires qu’il aurait perçus à son poste.

Un automobiliste victime d’un accident de voiture survenu près de Lille en décembre 2000 vient de remporter de manière spectaculaire un procès l’opposant à une compagnie d’assurances. Le tribunal de Niort (Deux-Sèvres) a condamné la Macif à verser 7 646 918 euros à cet homme, cadre supérieur dans une enseigne de bricolage.

La victime, âgée de 35 ans, avait été percutée de plein fouet par un véhicule qui empruntait l’autoroute à contresens. Très sévèrement atteinte au bassin et à une jambe, elle se déplace depuis en fauteuil roulant, ce qui a évidemment des conséquences lourdes sur sa vie professionnelle et privée. La Macif, assureur du conducteur fautif, proposait           450 000 euros de dommages et intérêts.

Le tribunal note que « le principe de réparation intégrale du préjudice implique que la victime doit être replacée dans la situation qui aurait été la sienne sans l’accident (…) et que rien ne permet de penser que la victime ne les aurait pas perçus si elle avait continué à occuper le même poste ».

Le demandeur se voit ainsi allouer 7,354 millions « au titre des pertes de gains professionnels futurs ». Les quelques 350 000 euros restants viennent indemniser les frais médicaux, les travaux d’aménagement du domicile, l’entretien du jardin, le préjudice esthétique, etc. La Macif doit aussi verser 25 000 euros à des titres divers au plaignant et à ses proches.

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Le droit au bail est un élément du fonds de commerce. Sa disparition entraîne potentiellement la disparition du fonds, ou en tous cas un amoindrissement conséquent de sa valeur. C’est la raison pour laquelle les créanciers inscrits sur le fonds doivent être avertis en cas de résiliation du bail commercial.

L’article L143-2 du code de commerce prévoit ainsi que le bailleur qui souhaite demander en justice la résiliation du bail doit notifier cette demande aux créanciers inscrits. Il est précisé que le jugement ne peut intervenir qu’un mois après cette notification. La résiliation amiable est également visée par cette disposition : elle ne devient définitive qu’un mois après la notification aux créanciers inscrits.

Cette règle a pour but de permettre aux créanciers de préserver leur gage en leur offrant la possibilité, dans le délai d’un mois, d’exécuter les obligations à la place du locataire, c’est-à-dire de régler les loyers impayés afin de sauvegarder le bail.

L’obligation de notification a un champ d’application très large puisqu’elle concerne tout type de bail commercial (écrit ou verbal, initial ou renouvelé) et tout type de résiliation (amiable ou judiciaire, y compris la demande tendant à constater le jeu de la clause résolutoire).

La notification doit être faite à tous les créanciers inscrits au jour de la demande. Plus précisément, elle doit être effectuée au jour de l’assignation et au plus tard un mois avant le prononcé du jugement. Elle doit contenir toutes les informations permettant au créancier d’apprécier l’intérêt d’un règlement de la dette à la place du débiteur. Une simple publicité dans un journal d’annonces légales ne serait suffisante.

A défaut de notification, la résiliation est inopposable au créancier inscrit. Celui-ci pourra donc former tierce opposition pour réclamer la rétractation de la résiliation, et pourra se comporter comme si la résiliation n’était jamais intervenue. En outre, le créancier pourra réclamer des dommages et intérêts, mais à condition de démontrer un préjudice résultant du manquement du bailleur, préjudice tenant à la perte de la valeur de son gage. Dans un arrêt récent du 9 novembre 2011, ma Cour de cassation a précisé que le créancier inscrit n’est pas fondé à obtenir des dommages et intérêts lorsque son préjudice résulte de sa propre inertie (Civ 3ème 9 novembre 011 n°10-20.021).

La jurisprudence relative aux dispositions de l’article L143-2 du code de commerce est abondante et en fait une application stricte. Il est notamment indifférent que le créancier ait eu connaissance des défaillances du locataire, ou que la notification n’ait pu avoir aucun effet quant à l’étendue du gage du créancier: à défaut de notification régulière, le créancier pourra systématiquement invoquer l’inopposabilité de la résiliation et réclamer des dommages et intérêts le cas échéant.

Dès lors, il est très important de veiller au parfait respect des dispositions de l’article L143-2 du code de commerce lors de la résiliation judiciaire ou amiable du bail commercial compte tenu des conséquences graves qui peuvent résulter pour le bailleur d’un défaut de notification régulière.

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En matière de licenciement pour cause personnelle, l’article L 1235-1 du Code du travail est sans ambiguïté : « En cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

Ainsi, la charge de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs de licenciement appartient aux deux parties, salarié et employeur.

Néanmoins, dès l’instant où le juge ne parvient pas à former sa conviction sur la réalité du motif du licenciement malgré les mesures d’instruction dont il dispose, le doute qui persiste sur la réalité des motifs invoqués profite au salarié dont le licenciement sera jugé sans cause réelle ni sérieuse.

C’est cette situation peu commune qui a été soumise au jugement de la Cour d’appel de Paris dans un très récent arrêt du 8 décembre 2011 (Cour d’appel de Paris Pôle 6 – Chambre 8 arrêt du 8 décembre 2011 n° S 10/03693).

Il s’agissait d’un chauffeur poids lourd licencié pour faute grave au motif notamment qu’il n’aurait pas effectué une livraison dans la nuit du 8 mai entre 3 h 15 et 3 h 45 du matin.

Or, les disques de contrôle produits par le salarié établissaient qu’il avait commencé son travail le 7 mai à 15h54 et qu’il l’avait terminé le 8 mai à 3h45, le salarié avait donc travaillé près de 12 heures d’affilée à la demande de son employeur.

Le salarié en concluait dès lors qu’il ne saurait dans ces conditions lui être reproché la moindre responsabilité pour absence de livraison alors que l’employeur n’avait pas de son côté respecté les règles d’ordre public sur la durée légale du travail.

La Cour d’appel a suivi ce raisonnement et jugé :

“Au surplus, l’employeur n’apporte aucun élément pour contredire l’affirmation du salarié selon laquelle il a, le 7 mai XXX, commencé son travail à 15h54 pour le terminer à 3h45, le 8 mai, et ce, en contravention avec la législation sur la durée quotidienne du travail effectif qui ne doit pas dépasser 10 heures sauf accord collectif dérogatoire et autorisation de l’inspection du travail.

Dans ces conditions, la défaillance ponctuelle du salarié pour assurer cette livraison dans la nuit du 7 au 8 mai XXX, alors que cette livraison devait intervenir au-delà de la durée légale du travail ne peut caractériser une cause sérieuse de licenciement (…).

En réalité, le véritable motif du licenciement résulte de ce défaut de livraison des exemplaires du XXX au cours de cette nuit du 7 au 8 mai XXX et dont il a été précédemment relevé qu’il n’est pas exclusivement imputable au salarié compte tenu des conditions de travail qui lui ont été réservées, ces conditions étant elle-même contraires aux dispositions d’ordre public applicables en matière de durée du travail. »

Il ne suffit pas à l’employeur d’invoquer une faute du salarié même fondée pour justifier de la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Faut-il encore qu’aucune entorse par l’employeur aux règles d’ordre public ne vienne entacher sa démonstration juridique.

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