Arrêt du 4 juin 2020 de la CJUE C828/18 Trendsetteuse c/ DCA.
Pour la Cour, la mission de « négociation » de l’agent commercial n’implique pas nécessairement la faculté pour l’agent de modifier les prix de vente du mandant.
Par cet arrêt du 4 juin 2020, la Cour de justice de l’Union Européenne rend une décision fondamentale pour tous les agents commerciaux.
Elle estime que la Directive 86/653/CEE doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial, au sens de cette disposition.
Cette décision, très attendue, vient renverser à une jurisprudence mal cernée de la Cour de cassation, qui a donné lieu à de nombreuses protestations en raison de la vision restrictive qu’elle véhiculait de la qualité d’agent commercial, puisqu’elle supposait que le terme de « négocier », tel que prévu par la loi française, implique nécessairement que l’agent commercial ait le pouvoir de modifier les conditions du contrat et plus particulièrement, la faculté de fixer le prix de l’offre faite au client pour le compte du mandant.
Elle met fin à une controverse de plus de dix ans, en répondant à une question préjudicielle que lui a renvoyé le Tribunal de commerce de Paris par jugement du 19 décembre 2018.
Cette décision est sans doute la décision la plus importante de la décennie pour les agents commerciaux.
En effet, jusqu’ici, la Cour de cassation semblait refuser l’accès à la qualification d’agent commercial lorsque l’agent commercial ne démontrait pas avoir le pouvoir de négocier les prix du mandant.
Or, les mandants, comprenant l’intérêt pour eux de ne pas se voir appliquer la qualification de contrat d’agent commercial, ont eu tôt fait de s’engouffrer dans cette brèche juridique, en stipulant dans les contrats d’agents commerciaux, ou autres contrats de distribution, que leur cocontractant n’avait pas de pouvoir de négociation des prix.
Ce stratagème permettait aux mandants, soit de justifier de contrats voisins, qui étaient en réalité des contrats d’agents commerciaux déguisés (tel que contrat de courtage ou encore contrat de d’intermédiaire en distribution…), soit de réfuter la qualification d’agent commercial, alors même que le contrat avait été intitulé contrat d’agent commercial dès l’origine par les parties.
Cette décision était particulièrement attendue, car jusqu’ici, bon nombre d’agents commerciaux se voyait refuser la qualité d’agent commercial, faute de pouvoir prouver qu’ils avaient un réel pouvoir de modification des prix de leur mandant.
La doctrine s’était d’ailleurs très largement positionnée en faveur d’une interprétation large du terme de « négocier », qui ne suppose pas nécessairement la conclusion des contrats de vente ou de prestations de service, et donc qui, en toute logique, ne devait pas non plus impliquer un pouvoir unilatéral de modification du prix.
Cette décision met fin à une jurisprudence qui, dans les faits, privait bon nombre d’agents commerciaux d’indemnité de cessation de contrat.
En effet, en refusant la qualité d’agent commercial, la jurisprudence désormais obsolète privait les agents commerciaux de l’indemnité compensatrice de préjudice prévue par l’article Ll34-12 du Code du Commerce, et dont l’usage majoritaire convient qu’il doit être calcul par référence à 2 années de commissionnements.
Les conséquences de ces décisions sont multiples :
- D’abord, il s’agit d’une décision visant à interpréter la directive relative européenne relative aux agents commerciaux, ce qui signifie que cette analyse est rétroactive et qu’elle s’applique à l’ensemble des contrats (contrats de courtage, contrats d’agents commerciaux ou autres), y compris ceux antérieurs à cette décision de la CJUE ;
- Ensuite cette décision est applicable à tous les contrats de distribution qui pourraient se voir requalifier en contrat d’agent commercial au vu de la pratique des parties, peu important par ailleurs l’intitulé de la convention ou l’étendue du pouvoir de négociation de l’agent commercial ;
- Enfin, cette décision doit permettre aux agents commerciaux de ne plus se voir priver de la qualification d’agent commercial au seul motif qu’ils n’auraient pas le pouvoir de modifier les prix de leur mandant, et de bénéficier ainsi plus facilement de leur droit à indemnité compensatrice en cas de rupture du contrat d’agent commercial à l’initiative du mandant.
Les agents commerciaux, et autres bénéficiaires de contrats d’intermédiation sont donc encouragés à se prévaloir des avantages du statut d’agent commercial.